Le Royaume-Uni amorce un tournant décisif dans sa politique sanitaire et environnementale : dès le 1er janvier 2025, la vente des cigarettes électroniques jetables, communément appelées « puffs », sera interdite sur tout le territoire. Cette mesure vise à répondre à deux préoccupations majeures : l’impact écologique des puffs et la protection de la jeunesse, de plus en plus attirée par le vapotage.
Une interdiction motivée par des raisons environnementales et sanitaires
Dans un communiqué publié récemment, les ministères britanniques de l’Environnement et de la Santé ont confirmé cette décision qui, selon eux, répond à un « besoin urgent » de réguler un produit devenu source de pollution massive. Chaque semaine, pas moins de cinq millions de puffs sont jetées au Royaume-Uni, un volume de déchets qui a atteint 40 tonnes de lithium en 2022, assez pour alimenter 5 000 voitures électriques. Cette pollution s’avère particulièrement problématique alors que le pays ambitionne de se tourner vers une économie plus circulaire, en limitant l’usage de produits jetables.
En parallèle, le gouvernement britannique évoque l’inquiétante progression du vapotage chez les jeunes. Une étude de l’organisation Action on Smoking and Health (ASH) révèle qu’en 2023, 20,5 % des mineurs britanniques âgés de 11 à 17 ans ont expérimenté la vape. Les puffs, en raison de leur faible coût et de leurs multiples saveurs, représentent le choix privilégié pour bon nombre de ces jeunes utilisateurs, alimentant ainsi une tendance inquiétante. Le ministre de la Santé, Andrew Gwynne, insiste : « Rendre illégale la vente de puffs est un moyen de protéger les jeunes tout en préservant notre environnement des ravages causés par ce produit. »
Un mouvement de fond à l’échelle européenne
La décision du Royaume-Uni s’inscrit dans un contexte de durcissement des politiques européennes en matière de vape. En France, une interdiction similaire des puffs a été approuvée par la Commission européenne en septembre 2024, et pourrait entrer en vigueur dès les prochains mois. Ce soutien européen souligne une volonté commune de lutter contre les déchets plastiques et les risques sanitaires associés aux cigarettes électroniques jetables, tout en harmonisant les politiques de santé publique au sein de l’Union.
« Tous les voyants sont au vert pour interdire la vente de puffs », rapportait RMC en mars dernier, peu avant l’adoption du texte en France. La législation devrait être promulguée d’ici la fin de l’année. À l’heure où de nombreux pays européens prennent conscience des enjeux écologiques et sanitaires de ces dispositifs, l’interdiction des puffs pourrait rapidement devenir une norme au sein de l’Union.
L’industrie de la vape en alerte : vers une explosion du marché noir ?
Si cette mesure fait écho à une prise de conscience collective, elle suscite également de vives réactions dans le secteur de la vape. La Vaping Industry Association (UKVIA), l’une des principales associations professionnelles de l’industrie, ne cache pas sa déception. Dans une lettre adressée au Premier ministre Rishi Sunak, l’association dénonce une législation « contre-productive » et met en garde contre une recrudescence du marché noir. « En interdisant les produits jetables, le gouvernement favorise l’essor des ventes illicites et met potentiellement les jeunes en danger face à des produits non conformes », prévient John Dunne, président de l’UKVIA.
L’association rappelle également l’importance des cigarettes électroniques dans les politiques de sevrage tabagique, un domaine dans lequel le Royaume-Uni a longtemps été pionnier. Depuis 2015, les autorités sanitaires du pays affirment que la vape est « 95 % moins nocive » que le tabac. Grâce à des programmes de sensibilisation et de soutien, le pays est parvenu à faire chuter son taux de tabagisme à un niveau record de 12,9 %. L’an dernier, un nouveau programme, « Swap to Stop », encourageait encore les fumeurs à passer à la vape en distribuant des kits de démarrage gratuits.
Une remise en question des avancées antitabac du Royaume-Uni
Pour de nombreux observateurs, l’interdiction des puffs au Royaume-Uni marque un revirement surprenant dans sa politique de lutte antitabac. En plaçant la vape au cœur de sa stratégie de réduction des risques, le Royaume-Uni s’était imposé comme un exemple de politique antitabac progressiste, inspirant même la Nouvelle-Zélande qui avait annoncé une initiative similaire. Or, cette interdiction laisse planer des doutes quant aux objectifs du gouvernement en matière de santé publique.
L’UKVIA prévient que, sans une approche nuancée, le Royaume-Uni pourrait voir ses efforts contre le tabagisme compromis, avec le risque de voir les anciens fumeurs revenir au tabac traditionnel. En outre, la prolifération des produits illicites pourrait fragiliser encore davantage le NHS, le système de santé britannique, déjà sous pression. « La vape n’est pas l’ennemie, rappelle John Dunne, la répression n’est pas la solution. »
Une question de cohérence pour les années à venir
L’interdiction des puffs au Royaume-Uni symbolise un choix politique audacieux, en phase avec les préoccupations environnementales et sanitaires actuelles. Pourtant, les voix discordantes soulignent les limites d’une telle décision. Face à la tentation répressive, les partisans de la réduction des risques plaident pour une prise en compte des solutions alternatives qui ont fait leurs preuves, afin de ne pas sacrifier les avancées réalisées en matière de santé publique.
Alors que le Royaume-Uni ambitionne de réduire son taux de tabagisme en dessous de 5 % d’ici 2030, la prochaine décennie déterminera si cette interdiction des puffs s’inscrit dans une dynamique cohérente et durable, ou si elle incarne un recul stratégique. Quoi qu’il en soit, cette interdiction est un signal fort de la part d’un gouvernement qui entend aligner santé publique et protection de l’environnement, tout en se préparant aux défis à venir.